Entretien avec Mme Éliane Bolomier, conservatrice et
directrice du Musée du Chapeau
Entretien
avec Mme Éliane Bolomier, conservatrice et directrice de la Chapellerie
Atelier-Musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon.
– Qui a eu l'idée
et soutenu la
création
du musée de la Chapellerie, mais aussi son agrandissement qui en fait
de nos jours un lieu phare de conservation, de transmission et de
création dans le domaine du chapeau ? Pour qu’un tel musée voit le jour
il a sans doute fallu des passionnés et beaucoup d'investissement ?
– « Oui bien sûr. Le musée a
ouvert en 1983. Il a d'abord été installé
dans une ancienne chapellerie : la chapellerie Jules Blanchard. Lorsque
les plus grandes usines ont fermé en 1976, une association s'est créée.
Elle était constituée de chapeliers et également de passionnés de ce
patrimoine industriel. Ayant commencé à amasser une certaine quantité
de matériel, ils ont rencontré le maire de la commune en lui proposant
d'envisager la création d'un musée. Le maire était intéressé mais
Chazelles-sur-Lyon étant une petite ville, il leur a conseillé de
prendre rendez-vous avec le responsable des musées à la DRAC [Direction
régionale des Affaires culturelles]. Celui-ci a trouvé l'idée très
belle et recommandé de se rapprocher d'un professionnel les aidant à
monter ce projet afin d'avoir des financements. C'était en 1981-82, une
très bonne époque pour les musées. À Chazelles il y avait les pour et
les contre ce projet. Certains, qui venaient de perdre leur emploi, ne
comprenaient pas pourquoi faire un musée. Pour eux c'était comme
enterrer le métier. Les chapeliers qui étaient arrêtés de plus longue
date étaient au contraire contents et fiers que l'on montre leur métier
et tout ce qu'ils savaient faire. Donc voilà, c'est comme cela que je
suis arrivée ! Je sortais de faculté, et ai monté le projet ! »
–
Dès 1982 vous êtes déjà sur le
projet ?
– « C'est vrai que lorsque je
suis arrivée à Chazelles, j'étais
vraiment jeune ; je sortais juste de la fac. J'avais 28 ans, et étais
persuadée que je ne resterais pas ; que j'allais monter ce projet puis
aller ailleurs après. Mais je me suis vraiment passionnée pour le
chapeau, cette histoire, aussi pour tout ce qui était technique, ce
savoir-faire... et je suis restée ! »
–
On peut dire que c'est un peu
votre musée alors ?
– « Un peu, mais pas seulement,
il y a aussi l'association à
l'initiative de ce musée, qui le gère toujours, avec toujours des
passionnés, des bénévoles. Pour certains ce sont les mêmes qui étaient
là en 1981-82 ; d'autres se sont ajoutés : des enseignants, des
passionnés de patrimoine. Quant aux chapeliers il n'y en a plus
beaucoup. »
–
Dans la région il en reste
combien ?
– « Les chapeliers de l'époque
sont soit décédés, soit très âgés. Ils
ne peuvent parfois plus venir. Il en reste deux/trois dans
l'association. »
–
Est-ce qu'il existe encore une
industrie de la chapellerie ?
– « En 1976, quand les quatre
grandes usines ont fermé, Fléchet,
France, Morreton et Fournand - Beyron, en 1976 il ne restait qu'une
petite fabrique, l'usine Écuyer-Thomas qui a fermé en 1997. Si cette
dernière a fermé, ce n'était pas parce qu'il n'y avait plus de marché,
mais parce que M. Écuyer voulait prendre sa retraite et qu'il ne
trouvait personne pour reprendre sa succession. C'était assez
dramatique, car de grandes maisons de couture, notamment Hermès, se
servaient en feutres de poil chez Écuyer. Ils ont eu de grosses
difficultés pour retrouver un feutre d'aussi bonne qualité. Maintenant
ils vont dans le nord de l'Italie où subsiste une autre petite usine. À
Chazelles on fabriquait à la fois la matière-première, c'est à dire la
cloche de feutre, et on la transformait en chapeaux. Des maisons comme
Ecuyer-Thomas, comme toutes les usines, vendaient à la fois des
chapeaux mais aussi leurs cloches de feutre aux
chapeliers-transformateurs et aux modistes. En France il existe
toujours beaucoup de chapeliers et de modistes. Aujourd'hui les
chapeliers-transformateurs, c'est-à-dire qui achètent ces cloches en
feutre de poil et les transforment en chapeaux, tout comme les modistes
[créateurs de chapeaux], se servent à l'étranger. Comme nous, puisque
nous avons un petit atelier de production. Il reste six usines en
Europe fabricant du feutre de poil. Il y en a une au Portugal, une en
Espagne, deux en Italie, une en Pologne et une autre en République
tchèque. Quand on n'achète que quelques cloches de feutre, on
s'approvisionne chez des grossistes ; mais des chapeliers plus
importants, ayant davantage de salariés, achètent directement à
l'usine. Par exemple nous, pour tous nos chapeaux d'homme on achète nos
cloches de feutre au Portugal. Pour les chapeaux féminins on a besoin
de plus de coloris, donc on se sert chez des grossistes. Il y a
toujours de l'activité en France, mais ce sont des chapeliers qui font
de la transformation, ou des modistes bien-sûr qui font de la
transformation de cloches en chapeaux. Il y a tout un travail de
surface sur la matière, permettant d'obtenir différentes qualités : une
qualité velours, etc. Les chapeliers achètent généralement les cloches
à ce stade-là. Par exemple, nous nous les procurons lorsqu'elles
sortent de la teinture, puisque nous avons un atelier qui nous permet
de faire ce travail à la surface du feutre. »
–
Donc les cloches ne sont
pas faites sur mesure ?
– « Les cloches de feutre ne
sont pas du tout fabriquées sur mesure. Il
y en a de plus ou moins grandes. C'est au moment de la mise-en-forme
que cela devient du sur-mesure, lors de la mise-en-forme sur des formes
en bois pour chaque entrée de tête, c'est à dire tour de tête. Pour la
cloche il y a trois modèles : la petite, la moyenne et la grande (pour
fabriquer des capelines ou autres). Chapeliers et modistes commandent
ce dont ils ont besoin en cloches »
–
Pour en revenir à la
réalisation du musée, quelle est sa surface ?
Combien la collection permanente occupe-t-elle d'espace ?
– « Pour continuer l'histoire,
quand on s'est installé en 1983, on a
développé un grand nombre d'activités notamment autour du savoir-faire
et de sa transmission. On a mis en place un petit atelier de
production, un centre de formations. Il a fallu chercher un lieu plus
grand sur Chazelles-sur-Lyon. Les bâtiments Fléchet étaient vides. On a
monté un nouveau projet et trouvé un grand nombre de partenaires
financiers pour pouvoir le réaliser. »
–
Aujourd'hui il s'agit d'un
grand musée du chapeau.
– « Nous avons 3 500 m2 pour le
musée, dont à peu-près 2 100 m2 de
surface d'exposition permanente, le reste étant occupé par des
réserves, des ateliers pédagogiques, des bureaux, des salles
pédagogiques, de formation, de documentation, et l'espace d'exposition
temporaire. »
–
Vous faites partie des trois
plus grands musées mondiaux en ce qui
concerne la collection technique ; c'est bien cela ?
– « Au niveau technique oui. Il
y a un autre musée au Portugal, à São
João da Madeira, qui est exclusivement consacré à l'aspect technique,
et un autre à Stockport en Grande-Bretagne avec des machines et des
chapeaux. »
–
Et au niveau de la
présentation de chapeaux anciens dans les musées
français ?
– « Les musées de Galliera et
des Arts décoratifs de Paris ont
d'importantes collections de chapeaux, mais en présentent rarement et
ne font jamais d’expositions que sur le chapeau. »
–
Vous êtes le seul en France
à proposer une exposition permanente ?
– « Oui. Je le répète, les
musées de Galliera et des Arts décoratifs de
Paris ont une très belle collection de chapeaux ; mais à chaque
exposition temporaire ils n'en présentent que quinze/vingt au maximum.
»
–
En voyant votre site internet
je ne m'attendais pas à voir un musée
aussi moderne que le vôtre.
– « Vous n'êtes pas le premier à
nous le dire. »
–
Comment voyez-vous le futur,
et de quoi avez-vous le plus besoin
aujourd'hui pour soutenir ce musée ? Sans doute évidemment de visiteurs
?
– « Oui on a besoin de visiteurs
; c'est sûr. Le musée est géré par une
association, avec un auto-financement de 50 %, le reste étant des
subventions des collectivités. Aujourd'hui c'est délicat de conserver
ces subventions. Le problème n'est pas propre à notre musée, c'est
difficile pour un nombre croissant de musées en France financièrement.
Il faut constamment innover ; ce que nous faisons, avec des expositions
régulières, en renouvelant constamment la médiation... pour que les
visiteurs viennent et reviennent. »
–
Le partenariat avec le Musée
de
l'Industrie de Saint-Étienne pour l'exposition Le ruban c'est la mode,
côté chapeaux, c'était une très bonne idée.
– « C'est très bien. C'est un
peu l'avenir de travailler en partenariat
avec d'autres structures, notamment au niveau de la communication, de
pouvoir mutualiser. Nous invitons nos visiteurs à aller voir
l'exposition à Saint-Étienne. Le Musée de l'Industrie est présent sur
nos produits en relation avec l'exposition : cartons d’invitation,
cartes d'invitation, catalogue, etc. On parle de Saint-Étienne et
inversement Saint-Étienne parle de nous. C'est l'avenir. Mais ce dont
nous avons le plus besoin c'est que les collectivités nous soutiennent.
»
–
Pourquoi, dans l'exposition Le
ruban c'est la mode, côté chapeaux,
les jeunes créateurs (qui sont certes beaucoup des créatrices) ont
présenté si peu de couvre-chefs masculins ?
– « Les rencontres
internationales [qui ont permis la création des
chapeaux présentés sur le thème du ruban] est un concours, avec une
grande majorité de créatrices qui à chaque chapeau font une
performance. Ces chapeaux seraient difficilement vendables, car ils
coûteraient excessivement cher. Elles y ont passé beaucoup de temps.
Pour elles il s'agit d'un exercice. Et il y a beaucoup plus de
créativité dans un chapeau de femme que pour l'homme. On pourrait aussi
innover dans le chapeau masculin. Mais il y a très peu d'innovations
dans le chapeau masculin. Quand notre modiste essaye d'inventer, comme
pour une de ses dernières créations avec un chapeau avec des rubans qui
traversent la calotte (il en reste encore un dans la boutique), on
remarque que les hommes les essayent mais reviennent traditionnellement
vers la casquette, le chapeau de feutre Borsalino, le Fedora ou le
Derby. Ils n'osent pas trop. Ce qui fait que les créatrices et les
créateurs qui ont participé à ce concours proposent surtout des
chapeaux féminins qui sont plus créatifs. »
–
C'est dommage.
– « Dans le règlement du
concours on laisse la porte ouverte. »
–
Combien de temps seront
exposées les œuvres des jeunes modistes sur
le thème du ruban ?
– « Jusqu'au 2 octobre. »
–
Envisagez-vous de montrer
cette exposition ailleurs ?
– « En effet ce serait une idée.
»
–
Au niveau de votre collection
de chapeaux, quels sont ceux que vous
recherchez le plus aujourd'hui ?
– « Avant les années 1930 pour
le XXe siècle, et du XIXe. »
–
Et pour les siècles précédents
?
– « Très peu de chapeaux ont été
conservés du XVIIIe siècle. Le musée
possède trois pièces de cette époque. Galliera ne doit pas en avoir
beaucoup plus (4, 5 ou 6). Évidemment il existe beaucoup d'autres
documents d'époque sur ce sujet. »
– Le chapeau est
très important
dans la mode.
– « C'est à mon avis un des
accessoires les plus importants de la mode.
»
Photographies
de la collection LM, avec de haut en bas :
- Gravure de vers 1828 : «
Grande mode. Chapeau omnibus, de l'invention
de Mlle Baroque, rue Vivienne. »
- Planche 1649 de 1817 du Journal des Dames et des Modes,
représentant
une capote de paille.
- Photographies suivantes datant
de juste avant la Révolution.
- Photographie ci-dessous :
Planche 368 de l'an 10 (1801-2) de la revue Journal des Dames et des Modes,
ayant pour légende : « Chapeau à la Russe. Bottes sans Couture. »
Article
publié
le 29 juin 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence
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Une robe à paniers en 2012
La
robe panier, 2012
de Louise Geday-Volait et Anaïs Lacombe
École nationale supérieure des Arts Décoratifs
Descriptif : «
Réalisation d’un objet précieux à partir d’un matériau
pauvre : le sac Barbès. Nous avons choisi de garder la structure et la
fonction du sac Barbès et de l’adapter en robe. Celle-ci prend une
forme rappelant celle des armatures métalliques qui soutenaient les
robes à paniers des aristocrates du XVIIIème siècle. »
La robe panier de Louise Geday-Volait sur Vimeo.
Article
publié
le 17 juin 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence
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Le Ruban
Quatre articles ont été publiés dans mon blog sur mon
voyage de presse autour de l'exposition Le Ruban c'est la mode qui a lieu
jusqu'au 2 janvier 2017 au Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Étienne
:
Photographies
de gravures d’époque de ma collection.
Article
publié
le 13 juin 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence
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Article publié dans Histoire - La Provence
Un article vient d'être publié
dans le hors-série Histoire du
journal La Provence de
mai-juin 2016 sur le sujet des Petits-maîtres de la mode.
Je signale qu'il ne s'agit pas
de mon article. Je ne l'ai pas relu. Il contient quelques erreurs, même
dans certains mots que l'on me fait dire. ;-) Mais c'est vraiment
gentil de leur part de parler de mon livre !
Cliquez sur les
doubles-pages ci-dessous pour un agrandissement.
Article
publié
le 28 avril 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence
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Le gandin
Ceux qui ont lu mon livre
savent qui est le gandin. Voici un petit livre qui le décrit tel qu'il
se présente en 1861. Il s'agit de Le
Gandin, collection « Paris-vivant
Par des hommes nouveaux », Paris, G. de Gonnet, 1861.
Article
publié
le 1er mars 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence
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