La Mesure de l'Excellence

LES ARTICLES DES MOIS DE MARS - JUIN 2016
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Entretien avec Mme Éliane Bolomier, conservatrice et directrice du Musée du Chapeau

Entretien avec Mme Éliane Bolomier, conservatrice et directrice de la Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau de Chazelles-sur-Lyon.

– Qui a eu l'idée et soutenu la création du musée de la Chapellerie, mais aussi son agrandissement qui en fait de nos jours un lieu phare de conservation, de transmission et de création dans le domaine du chapeau ? Pour qu’un tel musée voit le jour il a sans doute fallu des passionnés et beaucoup d'investissement ?

– « Oui bien sûr. Le musée a ouvert en 1983. Il a d'abord été installé dans une ancienne chapellerie : la chapellerie Jules Blanchard. Lorsque les plus grandes usines ont fermé en 1976, une association s'est créée. Elle était constituée de chapeliers et également de passionnés de ce patrimoine industriel. Ayant commencé à amasser une certaine quantité de matériel, ils ont rencontré le maire de la commune en lui proposant d'envisager la création d'un musée. Le maire était intéressé mais Chazelles-sur-Lyon étant une petite ville, il leur a conseillé de prendre rendez-vous avec le responsable des musées à la DRAC [Direction régionale des Affaires culturelles]. Celui-ci a trouvé l'idée très belle et recommandé de se rapprocher d'un professionnel les aidant à monter ce projet afin d'avoir des financements. C'était en 1981-82, une très bonne époque pour les musées. À Chazelles il y avait les pour et les contre ce projet. Certains, qui venaient de perdre leur emploi, ne comprenaient pas pourquoi faire un musée. Pour eux c'était comme enterrer le métier. Les chapeliers qui étaient arrêtés de plus longue date étaient au contraire contents et fiers que l'on montre leur métier et tout ce qu'ils savaient faire. Donc voilà, c'est comme cela que je suis arrivée ! Je sortais de faculté, et ai monté le projet ! »

– Dès 1982 vous êtes déjà sur le projet ?

– « C'est vrai que lorsque je suis arrivée à Chazelles, j'étais vraiment jeune ; je sortais juste de la fac. J'avais 28 ans, et étais persuadée que je ne resterais pas ; que j'allais monter ce projet puis aller ailleurs après. Mais je me suis vraiment passionnée pour le chapeau, cette histoire, aussi pour tout ce qui était technique, ce savoir-faire... et je suis restée ! »

– On peut dire que c'est un peu votre musée alors ?

– « Un peu, mais pas seulement, il y a aussi l'association à l'initiative de ce musée, qui le gère toujours, avec toujours des passionnés, des bénévoles. Pour certains ce sont les mêmes qui étaient là en 1981-82 ; d'autres se sont ajoutés : des enseignants, des passionnés de patrimoine. Quant aux chapeliers il n'y en a plus beaucoup. »

– Dans la région il en reste combien ?

– « Les chapeliers de l'époque sont soit décédés, soit très âgés. Ils ne peuvent parfois plus venir. Il en reste deux/trois dans l'association. »

– Est-ce qu'il existe encore une industrie de la chapellerie ?

– « En 1976, quand les quatre grandes usines ont fermé, Fléchet, France, Morreton et Fournand - Beyron, en 1976 il ne restait qu'une petite fabrique, l'usine Écuyer-Thomas qui a fermé en 1997. Si cette dernière a fermé, ce n'était pas parce qu'il n'y avait plus de marché, mais parce que M. Écuyer voulait prendre sa retraite et qu'il ne trouvait personne pour reprendre sa succession. C'était assez dramatique, car de grandes maisons de couture, notamment Hermès, se servaient en feutres de poil chez Écuyer. Ils ont eu de grosses difficultés pour retrouver un feutre d'aussi bonne qualité. Maintenant ils vont dans le nord de l'Italie où subsiste une autre petite usine. À Chazelles on fabriquait à la fois la matière-première, c'est à dire la cloche de feutre, et on la transformait en chapeaux. Des maisons comme Ecuyer-Thomas, comme toutes les usines, vendaient à la fois des chapeaux mais aussi leurs cloches de feutre aux chapeliers-transformateurs et aux modistes. En France il existe toujours beaucoup de chapeliers et de modistes. Aujourd'hui les chapeliers-transformateurs, c'est-à-dire qui achètent ces cloches en feutre de poil et les transforment en chapeaux, tout comme les modistes [créateurs de chapeaux], se servent à l'étranger. Comme nous, puisque nous avons un petit atelier de production. Il reste six usines en Europe fabricant du feutre de poil. Il y en a une au Portugal, une en Espagne, deux en Italie, une en Pologne et une autre en République tchèque. Quand on n'achète que quelques cloches de feutre, on s'approvisionne chez des grossistes ; mais des chapeliers plus importants, ayant davantage de salariés, achètent directement à l'usine. Par exemple nous, pour tous nos chapeaux d'homme on achète nos cloches de feutre au Portugal. Pour les chapeaux féminins on a besoin de plus de coloris, donc on se sert chez des grossistes. Il y a toujours de l'activité en France, mais ce sont des chapeliers qui font de la transformation, ou des modistes bien-sûr qui font de la transformation de cloches en chapeaux. Il y a tout un travail de surface sur la matière, permettant d'obtenir différentes qualités : une qualité velours, etc. Les chapeliers achètent généralement les cloches à ce stade-là. Par exemple, nous nous les procurons lorsqu'elles sortent de la teinture, puisque nous avons un atelier qui nous permet de faire ce travail à la surface du feutre. »

– Donc les cloches ne sont pas faites sur mesure ?

– « Les cloches de feutre ne sont pas du tout fabriquées sur mesure. Il y en a de plus ou moins grandes. C'est au moment de la mise-en-forme que cela devient du sur-mesure, lors de la mise-en-forme sur des formes en bois pour chaque entrée de tête, c'est à dire tour de tête. Pour la cloche il y a trois modèles : la petite, la moyenne et la grande (pour fabriquer des capelines ou autres). Chapeliers et modistes commandent ce dont ils ont besoin en cloches »

– Pour en revenir à la réalisation du musée, quelle est sa surface ? Combien la collection permanente occupe-t-elle d'espace ?

– « Pour continuer l'histoire, quand on s'est installé en 1983, on a développé un grand nombre d'activités notamment autour du savoir-faire et de sa transmission. On a mis en place un petit atelier de production, un centre de formations. Il a fallu chercher un lieu plus grand sur Chazelles-sur-Lyon. Les bâtiments Fléchet étaient vides. On a monté un nouveau projet et trouvé un grand nombre de partenaires financiers pour pouvoir le réaliser. »

– Aujourd'hui il s'agit d'un grand musée du chapeau.

– « Nous avons 3 500 m2 pour le musée, dont à peu-près 2 100 m2 de surface d'exposition permanente, le reste étant occupé par des réserves, des ateliers pédagogiques, des bureaux, des salles pédagogiques, de formation, de documentation, et l'espace d'exposition temporaire. »

– Vous faites partie des trois plus grands musées mondiaux en ce qui concerne la collection technique ; c'est bien cela ?

– « Au niveau technique oui. Il y a un autre musée au Portugal, à São João da Madeira, qui est exclusivement consacré à l'aspect technique, et un autre à Stockport en Grande-Bretagne avec des machines et des chapeaux. »

– Et au niveau de la présentation de chapeaux anciens dans les musées français ?

– « Les musées de Galliera et des Arts décoratifs de Paris ont d'importantes collections de chapeaux, mais en présentent rarement et ne font jamais d’expositions que sur le chapeau. »

– Vous êtes le seul en France à proposer une exposition permanente ?

– « Oui. Je le répète, les musées de Galliera et des Arts décoratifs de Paris ont une très belle collection de chapeaux ; mais à chaque exposition temporaire ils n'en présentent que quinze/vingt au maximum. »

– En voyant votre site internet je ne m'attendais pas à voir un musée aussi moderne que le vôtre.

– « Vous n'êtes pas le premier à nous le dire. »

– Comment voyez-vous le futur, et de quoi avez-vous le plus besoin aujourd'hui pour soutenir ce musée ? Sans doute évidemment de visiteurs ?

– « Oui on a besoin de visiteurs ; c'est sûr. Le musée est géré par une association, avec un auto-financement de 50 %, le reste étant des subventions des collectivités. Aujourd'hui c'est délicat de conserver ces subventions. Le problème n'est pas propre à notre musée, c'est difficile pour un nombre croissant de musées en France financièrement. Il faut constamment innover ; ce que nous faisons, avec des expositions régulières, en renouvelant constamment la médiation... pour que les visiteurs viennent et reviennent. »

– Le partenariat avec le Musée de l'Industrie de Saint-Étienne pour l'exposition Le ruban c'est la mode, côté chapeaux, c'était une très bonne idée.

– « C'est très bien. C'est un peu l'avenir de travailler en partenariat avec d'autres structures, notamment au niveau de la communication, de pouvoir mutualiser. Nous invitons nos visiteurs à aller voir l'exposition à Saint-Étienne. Le Musée de l'Industrie est présent sur nos produits en relation avec l'exposition : cartons d’invitation, cartes d'invitation, catalogue, etc. On parle de Saint-Étienne et inversement Saint-Étienne parle de nous. C'est l'avenir. Mais ce dont nous avons le plus besoin c'est que les collectivités nous soutiennent. »

– Pourquoi, dans l'exposition Le ruban c'est la mode, côté chapeaux, les jeunes créateurs (qui sont certes beaucoup des créatrices) ont présenté si peu de couvre-chefs masculins ?

– « Les rencontres internationales [qui ont permis la création des chapeaux présentés sur le thème du ruban] est un concours, avec une grande majorité de créatrices qui à chaque chapeau font une performance. Ces chapeaux seraient difficilement vendables, car ils coûteraient excessivement cher. Elles y ont passé beaucoup de temps. Pour elles il s'agit d'un exercice. Et il y a beaucoup plus de créativité dans un chapeau de femme que pour l'homme. On pourrait aussi innover dans le chapeau masculin. Mais il y a très peu d'innovations dans le chapeau masculin. Quand notre modiste essaye d'inventer, comme pour une de ses dernières créations avec un chapeau avec des rubans qui traversent la calotte (il en reste encore un dans la boutique), on remarque que les hommes les essayent mais reviennent traditionnellement vers la casquette, le chapeau de feutre Borsalino, le Fedora ou le Derby. Ils n'osent pas trop. Ce qui fait que les créatrices et les créateurs qui ont participé à ce concours proposent surtout des chapeaux féminins qui sont plus créatifs. »

– C'est dommage.

– « Dans le règlement du concours on laisse la porte ouverte. »

– Combien de temps seront exposées les œuvres des jeunes modistes sur le thème du ruban ?

– « Jusqu'au 2 octobre. »

– Envisagez-vous de montrer cette exposition ailleurs ?

– « En effet ce serait une idée. »

– Au niveau de votre collection de chapeaux, quels sont ceux que vous recherchez le plus aujourd'hui ?

– « Avant les années 1930 pour le XXe siècle, et du XIXe. »

– Et pour les siècles précédents ?

– « Très peu de chapeaux ont été conservés du XVIIIe siècle. Le musée possède trois pièces de cette époque. Galliera ne doit pas en avoir beaucoup plus (4, 5 ou 6). Évidemment il existe beaucoup d'autres documents d'époque sur ce sujet. »

– Le chapeau est très important dans la mode.

– « C'est à mon avis un des accessoires les plus importants de la mode. »

Photographies de la collection LM, avec de haut en bas :

- Gravure de vers 1828 : « Grande mode. Chapeau omnibus, de l'invention de Mlle Baroque, rue Vivienne. »

- Planche 1649 de 1817 du Journal des Dames et des Modes, représentant une capote de paille.

- Photographies suivantes datant de juste avant la Révolution.

- Photographie ci-dessous : Planche 368 de l'an 10 (1801-2) de la revue Journal des Dames et des Modes, ayant pour légende : « Chapeau à la Russe. Bottes sans Couture. »

Article publié le 29 juin 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence

Une robe à paniers en 2012

La robe panier, 2012
de Louise Geday-Volait et Anaïs Lacombe
École nationale supérieure des Arts Décoratifs
Descriptif : « Réalisation d’un objet précieux à partir d’un matériau pauvre : le sac Barbès. Nous avons choisi de garder la structure et la fonction du sac Barbès et de l’adapter en robe. Celle-ci prend une forme rappelant celle des armatures métalliques qui soutenaient les robes à paniers des aristocrates du XVIIIème siècle. »

La robe panier de Louise Geday-Volait sur Vimeo.

Article publié le 17 juin 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence

Le Ruban

Quatre articles ont été publiés dans mon blog sur mon voyage de presse autour de l'exposition Le Ruban c'est la mode qui a lieu jusqu'au 2 janvier 2017 au Musée d'Art et d'Industrie de Saint-Étienne :

- Le ruban, c'est la mode !

- La Chapellerie Atelier-Musée du Chapeau

- Industrie de la mode : l'exemple de la région stéphanoise

- L'entreprise Neyret : Une fabrication de rubans depuis près de deux-cents ans.

Photographies de gravures d’époque de ma collection.

Article publié le 13 juin 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence

Article publié dans Histoire - La Provence

Un article vient d'être publié dans le hors-série Histoire du journal La Provence de mai-juin 2016 sur le sujet des Petits-maîtres de la mode.

Je signale qu'il ne s'agit pas de mon article. Je ne l'ai pas relu. Il contient quelques erreurs, même dans certains mots que l'on me fait dire. ;-) Mais c'est vraiment gentil de leur part de parler de mon livre !

Cliquez sur les doubles-pages ci-dessous pour un agrandissement.

Dandy Magazine Automne 2015 Page 24

Article publié le 28 avril 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence

Le gandin


Ceux qui ont lu mon livre savent qui est le gandin. Voici un petit livre qui le décrit tel qu'il se présente en 1861. Il s'agit de Le Gandin, collection « Paris-vivant Par des hommes nouveaux », Paris, G. de Gonnet, 1861.

Article publié le 1er mars 2016 par LM
© La Mesure de l'Excellence